Chargé de la conception du Nily Village, le cabinet Archipel architectes associés a reçu un mot d’ordre bien précis. Pas d’économie de moyens, la priorité est au bien-être de la population. Le lieu devra être chaleureux, accueillant, confortable. Il devra être un argument de plus en faveur de l’attractivité, déjà évidente, de la commune de La Foa. Propos recueillis auprès d’Ollivier Dalla Vecchia, architecte.
À propos du cabinet Archipel
Une fois son diplôme d’architecture en poche, Ollivier Dalla Vecchia reste quelques années encore dans la capitale française dont il est originaire, avant de mettre le cap sur le Caillou. Quittant Paris en 2002, il venait alors s’installer à son compte à Nouméa, mais seulement pour un an. Aujourd’hui, c’est en souriant qu’il constate toujours y être vingt ans plus tard. Et qu’il pense surtout y finir sa carrière, parce que ça l’intéresse, qu’il y a tant à faire, qu’il s’y sent bien… tout simplement.
À la tête du cabinet Archipel architectes associés, créé en 2005, il a participé à la réalisation d’imposants bâtiments publics du Territoire. C’est à lui, ainsi qu’à son équipe et ses partenaires, que l’on doit par exemple le Médipôle de Koutio à Dumbéa ou le centre administratif de la province Sud (CAPS) à Nouméa.
D’autres opérations peuvent être citées : des écoles primaires, des logements sociaux, de nombreux docks. Il y a aussi eu la réhabilitation de l’ancienne gare maritime du Port autonome, dont les locaux accueillent désormais la station N de Nouvelle-Calédonie, à l’image de la station F parisienne, le plus gros campus de start-up au monde.
Mais le souhait de travailler également sur des programmes privés, ajouté à une notoriété grandissante, ont amené le cabinet à s’orienter progressivement vers d’autres types de projets, dont le Nily Village de La Foa.
« L’architecte est d’abord un artiste, doublé d’un technicien, spécialisé dans le métier de la conception des bâtiments. Répondant aux besoins de son client, il traduit en dessins une réflexion sur l’espace attribué à une construction. Il réalise l’esquisse initiale, base de la réflexion globale. »
Crédit photo : Sergio Grazia
Quel est votre rôle au niveau du Nily Village ?
Le travail d’un architecte, c’est d’abord une démarche d’écoute et de compréhension. Il faut savoir identifier et retranscrire des besoins, tout en les recadrant quand il y a des lubies farfelues ! Nous devons toujours pondérer la demande initiale, pour réaliser ce qui peut l’être, ce qui est autorisé et raisonnable.
Parfois, il faut être capable d’identifier les doléances et impératifs du client à sa place. Certains ont effectivement du mal à exprimer la réalité de leurs besoins ou à sortir de vieux schémas de fonctionnement. Notre métier est aussi de réussir à créer des locaux aux caractéristiques évolutives. Les bâtiments doivent être adaptables dans le temps, même 30 ans après leur construction.
Concernant le Nily Village, il y a bien sûr notre client à l’initiative du projet – le maître d’ouvrage. Ensuite, il y a l’architecte qui doit appréhender la commande du client, sans oublier les contraintes urbaines, techniques et administratives de la commune de La Foa. Mais heureusement, je ne suis pas seul à la barre ! Un tel projet est porté par une équipe.
Nous avons de nombreux bureaux d’études à nos côtés. Ils nous sont indispensables pour leur expertise des différents corps de métier du bâtiment. J’aimerais citer les trois partenaires avec lesquels nous avons travaillé sur ce projet :
- Emeline Devallez, gérante de la société BECIB (VRD)
- Catherine Delorme, gérante de la société CAPSE-NC (sécurité incendie)
- Stéphane Malrieu, gérant de la société S3E (électricité et plomberie)
L’architecte est un chef d’orchestre finalement. Son rôle est de coordonner plusieurs intervenants dotés de compétences exhaustives dans un domaine. Sa vision des choses reste globale et synthétique. Il ne sait pas forcément jouer de tous les instruments, mais il sait comment l’ensemble du groupe doit fonctionner, quand il y a une fausse note, à quel moment qui doit intervenir et à quel tempo…
Qu’est-ce qui vous a inspiré pour le Nily Village ?
Nous avons avant tout cherché à restituer le mode de vie calédonien. L’esprit de la maison coloniale avec cette grande varangue couverte, qui devient le principal lieu de vie à toute heure, bien plus que les autres pièces closes de l’habitation. Vous pouvez vous y installer à l’abri du soleil ou de la pluie et, en même temps, vous êtes dehors. La limite entre l’intérieur et l’extérieur n’existe plus vraiment.
Nous nous sommes également inspirés de l’architecture des zones commerçantes à l’australienne. On pense aux fameux malls où il y a encore cette impression d’être à la fois dedans et dehors, un peu comme le Pacific Fair Shopping Center de Brisbane, à l’échelle de la commune de La Foa. Ou sinon aux vieux quartiers comme celui de Paddington à Sydney. On y retrouve les « enseignes en drapeau » en haut des devantures de magasin. Ce sont les petits panneaux scellés perpendiculairement au mur, où le nom de chaque enseigne est indiqué selon une charte graphique propre au Nily Village.
Sur la manière dont le centre commercial a été conçu, nous voulions y faire naître un réel espace de vie. Le restaurant prendra pied avec une véritable terrasse. C’est vrai qu’on a du mal avec les terrasses en Nouvelle-Calédonie, à quelques rares exceptions près, peut-être, dans Nouméa. L’idée ici était aussi de créer un espace de galerie marchande qui donne envie de sortir les portants à vêtements au moment des soldes ! Un parallèle pourrait être fait avec Le Village qui est en train de reprendre ses quartiers au centre-ville. Autant pour l’ambiance du lieu, que pour le nom d’ailleurs…
Quels seront les atouts architecturaux du lieu ?
Le Nily Village ne sera pas un centre commercial classique, comme on en voit déjà partout dans le monde. Il n’était pas question d’une galerie climatisée derrière des portes coulissantes coupées de l’environnement extérieur. Il y aura une belle allée piétonne de 8 mètres de large longeant les vitrines des boutiques. Elle sera abritée de la pluie et partiellement ombragée, avec différentes ambiances et du mobilier extérieur.
L’endroit a été pensé comme un lieu de rencontre, de rendez-vous, un point stratégique où s’arrêter faire une pause… Il n’y a pas vraiment d’endroit, actuellement à La Foa, qui soit propice à se retrouver ou à venir flâner. Ce sera alors un nouvel espace de vie au cœur du village.
Le sens de déambulation piétonne mènera naturellement du restaurant situé sur rue, jusqu’au snack Graine de Papaye et à l’entrée du supermarché Korail. Et ainsi de suite en suivant la distribution des commerces le long des autres bâtiments. Les deux petites pyramides au-dessus des toits seront un signal dans le paysage local. C’est un clin d’œil aux toitures à quatre pans des constructions historiques calédoniennes.
En ce qui concerne la desserte de la zone, nous avons réussi à intégrer un arrêt de bus en retrait de la RT1 pour ne pas gêner la circulation principale. Et ce sera un réel atout pour tous ceux qui se déplacent en bus, notamment depuis la Côte Est. Le parking permettra aussi des possibilités de stationnement non négligeables, avec de vrais emplacements aux dimensions adaptées aux véhicules calédoniens.
Autre avantage essentiel : le site sera complètement clôturé et sécurisé, avec système de vidéosurveillance et service de gardiennage. Venir faire ses courses l’esprit tranquille, pendant que le parking est surveillé, sera donc très appréciable.
« Ce sont de petits détails, mais qui ont leur importance. Il faut se mettre à la place de la population. Nous avons veillé à faire les choses comme il faut. Notre client surtout a eu l’intelligence de nous demander de bien faire les choses. »
Quels ont été vos impératifs et contraintes ?
Évidemment, nous avons dû nous conformer aux règles d’urbanisme de la commune. C’est-à-dire la superficie, la répartition du bâti, le nombre de places de stationnement, etc. Il a fallu trouver le bon équilibre entre les surfaces commerciales à prévoir, pour répondre aux besoins des différentes enseignes, tout en offrant suffisamment de stationnement pour tous types de véhicules (deux-roues, automobiles, places PMR, etc.).
La gestion des flux de circulation sur le parking a été prévue de façon à ce que les véhicules ne se croisent pas. Le schéma est donc le moins accidentogène possible, puisque l’entrée et la sortie, depuis ou vers la RT1, ne se feront pas au même endroit, mais d’un côté et de l’autre du parking.
Nous avons forcément dû vérifier que le site n’était pas en zone inondable. Il a fallu également respecter l’existant, pour ne pas venir perturber les constructions et riverains alentour, ni l’écoulement des eaux depuis les collines, tout en améliorant l’assainissement des parcelles avoisinantes.
Une autre problématique a été celle d’une bonne visibilité commerciale depuis la RT1, malgré un terrain relativement plat. Ce qui sous-entend un gabarit de bâtiment assez élevé, sans pour autant dénaturer le paysage. Le choix d’un ensemble de plusieurs bâtiments a ainsi été privilégié, avec des hauteurs et volumes différents. Un bâtiment unique, trop massif et dans lequel les gens auraient du mal à se retrouver, aurait été inadapté.
Il y a enfin l’aspect environnemental. La nécessité d’un parking, goudronné mais indispensable, a été compensée par la récupération et le filtrage des eaux de pluie grâce à des végétaux appropriés. Inutile de généraliser les palmiers partout, qui n’apporteraient pas d’ombre aux véhicules stationnés, en plus d’être excessivement gourmands en eau. Nous avons sélectionné des espèces indigènes et endémiques, des plantes de la brousse environnante, adaptées au climat calédonien et surtout aux aléas météorologiques de La Foa.